Retour au sommaire  Organigramme de la 1st Special Service Brigade

Après un entrainement particulièrement poussé  et selectif à Achnacarry (Ecosse), les 177 Français commandés par Philippe Kieffer s'élancent le 6 juin 1944 sur le sable de Sword Beach, face à Ouistreham, avec pour objectif immédiat la prise de la batterie installée dans le casino. L'unité commando est articulée en trois sections (troops 1 et 8, K. Gun troop ou troop 9) et investit les plages normandes dans les L.C.I n° 523 et 527.

Depuis plusieurs jours, les Français ont identifié leur futur point de chute, grâce aux Normands de l'unité . Gwénaël Bolloré se souvient "...Sur les photos des objectifs que l'on nous présentait, des normands ont reconnu les lieux. Le port c'est Ouistreham ; le grand blockhauss,l'ancien casino ; le point de débarquement c'est "La Brèche", près de Riva-Bella... La nouvelle court, galope et les Anglais s'affolent"... Les incorrigibles "Frenchies" seront parqués dès lors dans leur camp, avec interdiction formelle de franchir un périmètre de sécurité. "La vie au camp est calme. Nous nous livrons à de longues parties de poker ; le piper de Lord Lovat joue interminablement de son instrument. Culture physique, repos, conférences"...


Le commando en 1941. Cliquez ici pour agrandir

Puis, le 5 juin, c'est le départ en camions. "Nous roulons entassés les uns sur les autres, et bientôt c'est le port de Warsash. La rade reflète l'image de la campagne. Partout des bateaux, des grands, des petits, navires de guerre classique ou embarcations aux formes étranges et réalisées pour le seul débarquement. Dans le ciel, pas d'avion. Ils sont loin les avions, au-dessus de la France et de l'Allemagne, où ils portent à l'ennemi des coups décisifs et sanglants."...

La traversée se fait sous la tempête. elle  aura moins d'incidence sur les Français, surmotivés, que vis à vis de leurs amis alliés, ce qui n'empêche tout de même pas le mal de mer de causer de nombreux désagréments. Pendant le trajet, la cornemuse de Bill Millin, embarqué dans le LST 519  galvanise les commandos et rappelle aux nombreux Bretons des  3 troops leur origines Celtes. "Blue Bonnet over the Border" illumine les coeurs de ces 177 expatriés, impatients de régler leurs comptes avec l'occupant.Parmi ceux-ci se trouve le premier maître Jean Couturier, radio du Lt Lofi à la troop 8. Son parcours incroyable l'a conduit de Toulon à Sword Beach.

Un groupe de commandos en inspection ; au premier plan : De Villers (gauche) et Briant dit "Le Canadien" (droite)

Vers 5 heures, les troops sont réveillées par le vrombissement des centaines de bombardiers se dirigeant vers les côtes Françaises. Quelques minutes tard, les innonbrables batteries de marine ouvrent le feu sur les ouvrages de plages. C'est un spectacle surréaliste :"Les pièces d'artillerie de 5000 bateaux tirent à la même seconde. Le bruit est tel qu'il devient impossible de différencier les rafales de mitrailleuses ou les coups de canon des uns et des autres. Il n'y a plus qu'un effroyable roulement. Notre bateau a repris la route; Seule, sa vitesse a pu nous l'apprendre, car le bruit des moteurs se trouve comme gommé" précise Bolloré.

Les barges de la 1st Spécial Service Brigade se dirigent maintenant vers leur objectif. Soudain, les landing crafts transportant les commandos Anglais ralentissent. Les pilotes des deux embarcations Françaises ont compris.. Les britanniques les font passer en tête de convoi , le commando Kieffer débarquera  en premier sur son sol natal. Cette attention va droit au coeur des troopers, malgré l'angoisse qui les étreint. Les bateaux viennent de heurter le sable, c'est l'assaut... Le commandant Kieffer se souvient "...A ce moment précis, la terre et la mer semblaient soulevées par un grondement de tonnerre : bombes de mortier, sifflements d'obus, jappements agaçants de mitrailleuses, tout semblait concentré sur nous.En un éclair, les passerelles étaient jetées à terre.Coiffé du béret vert, un premier groupe se rue sur la plage, mais quelques secondes avant la ruée du second groupe, un obus de 75 mm emportair les passerelles de la barge dans un déchirement de bois et de métal."

5 juin 1944 : Lord Lovat (au centre, en chemise claire)  s'adresse aux commandos. Se tournant vers Kieffer et ses hommes, il lache alors : "A nos amis Français, je ne dirais qu'une chose : courage !...Demain, les boches, on les aura....."


PAS DE QUARTIER POUR LES COMMANDOS !

L'entrainement très dur des commandos Anglais et de leurs camarades Français a toutes ses raisons d'être lorsque l'on sait qu'en vertu d'un décret d'Adolf Hitler, ils seront abattus dès leur capture. Dès lors, leur survie ne pourra dépendre que d'eux mêmes. Voici le texte les condamnant :

Très secret - Quartier Général du Fürher - Le 18 Octobre 1942 - Le Fürher

n° 003830/42 G. Kdos CKW/WFST

Depuis longtemps, nos ennemis se servent de méthodes de guerre contraires aux Conventions Internationales, particulièrement notoires est la conduite brutale et perfide des dénommés "Commandos" qui, et ceci a formellement été établi, sont en partie recrutés dans les rangs d'anciens criminels libérés dans les pays ennemis. D'après les documents capturés, il ressort qu'ils reçoivent des ordres non seulement d'enchaîner leurs prisonniers, mais, de plus, de massacrer sur-le-champ des prisonniers sans défense, aussitôt qu'ils jugent que ces prisonniers deviennent une entrave à la poursuite de leurs objectifs ou peuvent être, dans l'un ou l'autre cas, un objet d'enbarrassement. Pour finir, des ordres ont été trouvés qui montrent qu'en principe le massacre de prisonniers a été établi.

Pour cette raison, il a déjà été ordonné dans un addendum du rapport des Forces Armées (Ordres de routine) du 7 octobre 1942, que dorénavant, l'Allemagne  aurait recours au même traitement envers les troupes Britanniques de sabotage et leurs complices, c'est à dire qu'elles seront massacrées sans pitié par les Allemands partout où elles seront rencontrées. En conséquence, j'ordonne : à partir de cette date que tous ennemis contactés par les troupes Allemandes durant des expéditions dites de commandos, tant en Europe qu'en Afrique, qu'ils soient en uniforme réguliers de soldats ou qu'ils soient des agents de saboteurs, armés ou non , soient exterminés jusqu'au dernier, au combat comme à la poursuite. Il importe peu qu'ils soient débarqués d'un navire ou qu'ils soient amenés par avion ou parachutés ; même si ces gredins, une fois repérés, décidaient de se constituer prisonniers en matière de principe, toute pitié devra leur être refusée.

Dans tout et chaque cas de cette sorte, un rapport détaillé devra être fait au quartier général souverain afin qu'il puisse être promulgué dans les ordres quotidiens des Armées. Si des individus faisant partie des commandos et employés comme agents secrets , saboteurs, etc... tombent entre les mains de la Whermacht de n'importe quelle autre façon, c'est à dire par arrestation de police dans tout territoire occupé par nous, ils seront immédiatemment délivrés au Service de Sécurité (Sicherheitsienst); toute détention de prisonniers de cet acabit par des gardiens militaires, c'est à dire se trouvant dans des camps de prisonniers de guerre, même à titre temporaire, est strictement défendu. Cet ordre n'est pas applicable s'il s'agit du traitement de soldats ennemis capturés ou qui se rendent au cours de batailles normales (attaques sur une grande échelle ou opérations importantes de débarquement par mer ou par air).

Cet ordre ne concerne pas non plus le personnel ennemi qui cherche à sauver sa vie après une bataille navale ou qui atterit par parachute après un combat aérien et qui tomberait entre nos mains. Pour la non-exécution de cet ordre, j'engagerai la responsabilité personnelle de tout commandant ou officier et ordonnerai sa comparution devant un conseil de guerre pour rendre compte : soit de la négligence qu'il aura montré en pareil cas dans l'accomplissement de ses devoirs en ne donnant pas les ordres necessaires à la troupe sous mon commandement, ou de la raison de la non-exécution des ordres indiqués plus haut.

     Signé A. HITLER

 

 
 
 
 



Nominal roll du Commando Kieffer le 6 Juin 1944.        >>> AGRANDIRi


Ci-contre : Débarquement du n° 4 Commando à Colleville sur Orne le 6 juin 1944

 

Difficile progression dans Ouistreham,   Route de Lion sur Mer en fin de matinée du 6 juin. Ces soldats appartiennent à une K.Gun Troop Britannique, Celui du premier plan  est armé du fusil Enfiel n° 4 MK1. Il est facile distinguer les commandos Français des Anglais, car les premiers nommés ne portaient pas de casque, mais leur inséparable béret vert. La propriété à droite est celle de M. Lebas

PORTRAIT DE COMMANDOS
Henri Rachil DORFSMAN
(1919-1996)

Le parcours de l'un des compagnons d'armes de Jean Couturier montre ce que fut en règle générale le chemin à parcourir pour rejoindre la France Libre à Londres : un parcours du combattant.

Henri Dorfsman nait le 22 janvier 1919 à Varsovie de parents Juifs Polonais. Il rejoint sa famille à Paris, puis dans le nord de la France. Après avoir passé son certificat d'études, il devient mineur avant de s'engager dans l'armée. Affecté dans un régiment d'artillerie, il remplit les fonctions d'estafette motocycliste. Fait prisonnier à Dunkerque, il parvient à s'échapper neuf mois plus tard, gagne la zone libre et s'engage dans l'Armée d'armistice ; c'est à ce titre qu'il est envoyé au Maroc. 

Mais ses opinions Gaullistes lui valent d'être transféré dans une unité disciplinaire et rapatrié en métropole. Mais en novembre 1942, il s'enfuit et atteint les Pyrénées et après quelques semaines de prison au camp Espagnol de Miranda, il entame une grève de la faim. Inscrit comme Canadien, il obtient finalement son départ pour Gibraltar en avril 1943. Il parvient à prendre la mer pour l'Angleterre et après que le paquebot le transportant ait subi une attaque de la Luftwaffe, réussit enfin son pari : rejoindre de Gaulle à Londres.

C'est donc tout naturellement qu'Henri Dorfsman s'engage au commando, où on l'affecte à la troop 8  du capitaine Trepel. Le 6 juin 1944, il sera l'un des "177". Son parcours particulièrement ardu lui fut probablement d'un grand secours et très formateur en tous cas, puisqu'il sera l'un des 25 miraculés du commando a avoir combattu pendant 83 jours en Normandie sans être blessé.

Il est démobilisé en 1946, et poursuit sa carrière dans les travaux publics. son penchant pour l'aventure le conduira en Afrique, à Saint Pierre et Miquelon, en Turquie, au Guatemala, en Allemagne, aux Emirats Arabes Unis. Sa vie professionnelle s'achevera à Saint Pierre et Miquelon où il dirige une société de travaux publics. En 1994, il participera activement aux cérémonies du 50ème anniversaire du débarquement en même temps qu'il collabore au livre de J. Camili "6 juin le Débarquement" (Editions du Cherche Midi). C'est finalement à la suite d'une douleureuse maladie que s'eteindra Henri Rachil Dorfsman.

Daniel COPPIN.

né le 18 mars 1921 à Venteuil (Marne)
-Engagé volontaire aux FNFL le 20 juillet 1940 à Londres. Matricule 10892 FNFL 40
-2ème Bataillon de fusiliers marins. (AOF-Lyban-Egypte )  jusqu'au 1er juin 1943 puis -Caserne Surcouf Londres  jusqu'au 16 juin 1943 ( 2°bataillon FM dissous ). -1er BFMC  le 16 juin 1943 . Troop 8 .Blessé le 6 juin 1944 lors du débarquement Ouistreham - rapatrié -hôpital - Beaconsfield.

Participe à la prise de Flessingue ( Walcheren ) le 1er novembre 1944. Démobilisé le 18 novembre 1945. Citation à l'ordre de la  Division : Fusilier plein d'allant et de courage n'a pas hésité à s'infiltrer dans les lignes ennemies pour tenter une diversion au cours des combats de Flessingue le 1.11.1944. Attribution de la Croix de guerre avec étoile d'argent. Médaillé militaire






Progression des commandos, appuyés par des
Sherman "Duplex Drive"

Malgré l'opposition Allemande, les commandos traversent la plage au pas de course, au milieu des mines et des obstacles divers. Une trentaine de Français sont déjà hors de combat... Sous les balles, les unités s'engagent maintenant dans Ouistreham. La section du lieutenant Lofi s'élance dans la grande Rue, suivie  de la K.Gun troop. Le sous-Lieutenant Hubert s'effondre, touché par une balle en plein front lors de l'attaque du casino. Les pertes sont sérieuses. Les assaillants sont pris à partie par les deux canons de 20mm du blockhauss et les snipers dissimulés ici et là. Un char Centaur du 13/18 Hussars est obtenu pour assurer la couverture et le commandant Kieffer se hisse sur la plage arrière de l'engin, il est à son tour blessé. Mais, cet appui inattendu sera décisif car ses obus réduisent la position au silence. L'assaut mené à la grenade et à la Fairbairne Sykes (couteau de combat Britannique) ont raison des derniers nids de résistance ennemis. en fin de matinée, quelques instants de repos bien mérités permettent aux rares civils restés dans la ville de faire connaissance -rapide !...- avec leurs libérateurs. Leur joie déborde lorsqu'il apprennent que ce sont des Français.

LANDING CRAFT INFANTERY SMALL . Ce sont des embarcations de ce type qui conduisirent le 1er BFMC en Normandie

A cet instant, le commando compte sept morts et soixante blessés environ, soit 40% des effectifs. Après avoir traversé Saint Aubin d'Arquenay, Le pont de Bénouville est atteint dans la continuité, puis Ecarde sur la route de Cabourg. En fin de soirée, les hommes de Kieffer se portent jusqu'à Amfreville, pris sans difficultés. A la tombée de la nuit, les commandos s'installent en position défensive. Des tranchées sont creusées, des obstacles dressés, des positions de mitrailleuses installées et les Piat (armes antichars Anglaises) mis en batterie. il s'agit maintenant d'interdire toute contre-attaque en direction du nord, afin de permettre la consolidation définitive de la tête et surtout la construction des deux mulberries du port d'Arromanches.

Les Français peuvent maintenant prétendre à quelques heures de repos plus que nécessaires. Finalement, si le nombre d'hommes mis hors de combat est élevé, leur total se révèle beaucoup moins important que prévu. jusqu'au 10 juin, le commando Kieffer connaitra un répit relatif, gardant une position défensive, ce jusqu'à une très violente contre-attaque Allemande. Ainsi se passa la journée du  6 juin 1944 pour les 177 Français du Commando n° 4.